ISO 50001 et décret tertiaire

ISO 50001 et décret tertiaire

L'ISO 50001 est un excellent outil pour aborder le décret tertiaire. Tous sont d'accord, entreprises, bureaux d'études, certificateurs, collectivités. Pour chaque obligation liée au décret tertiaire la norme ISO 50001 apporte des outils structurés et efficaces.

Voici ci-desous, le début de l'article publié dans la revue ENERGIE PLUS du 1er novembre 2020 sous le titre  "L'ISO 50001, un outil efficace pour aborder le décret tertiaire".

Quel lien entre décret tertiaire et norme ISO 50001 ?

Le décret tertiaire a pour objectif d'améliorer la performance énergétique des bâtiments tertiaires. Les organisations concernées par le décret doivent soit réduire la consommation d'énergie finale du bâtiment d'un certain pourcentage par rapport à une année de référence qui ne peut être inférieure à 2010, soit atteindre un seuil de consommation maximale, dépendant du type de bâtiment et défini par arrêté. Ce dernier est en cours de rédaction pour parution fin 2020.

Des objectifs de performance énergétique des bâtiments doivent être atteints en 2030 d'autres plus exigeants en 2040 et un but final en 2050.

La norme ISO 50001, quant à elle, accompagne les organisations dans la mise en place d'un système de management de l'énergie. Elle ne se restreint donc pas aux bâtiments, ni aux bâtiments tertiaires, mais les inclut souvent.  "C'est exactement le même dispotifif, le même processus, les mêmes étapes de travail" estime Mathias PATTEIN, en charge des sujets liés à l'environnement chez ALLIANZ France. Il a piloté la certification multi-sites, obtenue en décembre 2019 par ALLIANZ France sur 17 immeubles appartenant à la compagnie.

Le décret tertiaire demande tout d'abord à l'organisation (entreprise ou collectivité) de définir son périmètre patrimonial et de fournir des données de consommation des bâtiments. Ces données doivent être renseignées sur la plateforme OPERAT dès 2021.

Pour effectuer ce premier travail, les outils de l'ISO 50001 sont précieux. Car la norme ISO 50001 impose de réaliser une "revue énergétique" qui est une sorte d'audit énergétique poussé. Cette revue énergétique commence par une analyse des usages et des consommations d'énergie de l'organisation. Cela permet d'identifier les usages énergétiques dits "significatifs" et, pour chacun d'eux, de déterminer les facteurs pertinents à mesurer et à prendre en compte, ainsi que la performance actuelle.

Il s'agit donc dans la démarche de l'ISO 50001 de définir une "situation énergétique de référence" qui est l'équivalent de "la consommation de référence" que l'organisation soumise au décret tertiaire doit renseigner sur la plateforme OPERAT.

A cette fin, la démarche de certification ISO 50001 demande d'embarquer toutes les personnes concernées par l'objectif de réduction des consommations énergétiques. Pour les entreprises multi-sites, même un reporting a priori simple des consommations peut s'avérer compliqué. Lorsque l'équipe énergie d'un entreprise travaille au siège, elle doit identifier la personne ou le système qui fera remonter les infirmations sur les consommations d'énergie de chaque site. L'ISO 50001 impose donc de se demander "qui est en charge de quoi ?"

Au-delà même de la simple remontée des informations, pour ces organisations multi-sites, l'ISO 50001 permet de "définir une méthodologie commune à toute l'organisation, quelle soit technique ou managériale" indique Thimothée GOUTET  ingénieur d'affaires à AFNOR Energies.

Identifier les actions

L'étape suivante de la revue énergétique est de déterminer et de hiérarchiser les potentiels d'amélioration de la performance énergétique. L'ISO 50001 apporte ici une mtéthodologie afin d'atteindre les cibles du décret tertiaire.

Selon Quentin GODECAUX, responsable pôle financement et décret tertiaire chez ROZO "l'audit énergétique obligatoire tous les quatre ans pour les grandes entreprises ne leur donne qu'une réponse de court terme et ne favorise pas le passage à l'acte. A l'inverse, l'ISO 50001 offre un cadre pour aborder les jalons à long terme posés par le décret tertiaire".

"Nulle part, dans le texte du décret tertiaire, il n'est dit comment l'organisation doit définir le scénario pour atteindre les objectifs. De son côté l'ISO 50001 prévoit une amélioration continue dans le temps ; ce qui est exactement ce qu'impose le décret tertiaire" note Thimothée Goutet.

Un exemple dans la Ville de Lorient qui a décidé fin 2018 de certificier ISO 50001 l'ensemble de son parc de bâtiments. Pour le Service énergie de la Ville cela a signifié notamment des rencontres avec les Directions de la culture et des sports qui connaissent bien de nombreux bâtiments. "Le Service énergie a dans son budget des lignes d'investissement qui lui permettent de faire des travaux pour diminuer les consommations, mais encore faut-il savoir quels chantiers mener. En discutant avec la Direction de la culture, par exemple nous avons décidé de rénover l'éclairage vieillissant de l'école de musique" relate Pierre CREPEAUX, Responsable énergie de la Ville.  "Grâce à la dynamique impulsée par la certification, les remontées de terrain sont formalisées" se rejouit-il. Il note aussi qu'en "réfléchissant ensemble aux enjeux financiers, d'usage, architecturaux et énergétiques des bâtiments, nous pouvons croiser toutes les problématiques et éviter d'appliquer des solutions toutes faites. Il y a peut-être des bâtiments sur lesquels il ne faut pas s'acharner ; par exemple une salle de spectacle dont les murs ne pourraient pas supporter le poids d'une isolation de la toiture. Nous nous interrogeons alors : faut-il garder ce bâtiment ?"

L'ISO 50001 incite également l'entreprise ou la collectivité à s'appuyer sur ldes mesures pour définir les actions à mener.
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"Un des principes est que le coût du comptage de l'énergie ne dépasse pas 5 à 10% des économies générées" précise Thimothée GOUTET.
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Réaliser les actions

Autre point positif du processus de certification : il exige l'engagement du leadership. La démarche doit être portée par la direction. L'ISO 50001 demande que la direction de l'organisation prenne les mesures nécessaire à l'atteinte des objectifs. Il peut s'agir de sensibiliser les utilisateurs du bâtiment, de rédiger un nouveau contrat avec les fournisseurs de maintenace, de formation...

Toute l'organisation est concernée par la démarche. "La performance énergétique doit aussi être intégrée dans les cahiers des charges, les activités de conception et les achats. Il faut que ces cahiers des charges établissent des critères d'évaluation de la performance énergétique sur la durée de vie prévue des équipements, de la production et des services consommateurs d'énergie." rappelle Thimothée GOUTET.

Pierre CREPEAUX note que la démarche de certification permet la participation de tous les service à l'objectif ;  notamment les directions de la maintenance ou des bâtiments "qui raisonnent en termes de services aux usagers et n'ont pas toujours l'habitude d'être proactives sur la baisse des consommations d'énergie".L'amélioration de l'efficacité énergétique devrait ainsi être un reflexe de tous.

"Quand une rénovation est engagée, quelle qu'elle soit, des éléments doivent être intégrés pour améliorer la performance énergétique. Par exemple, si l'on refait une cage d'ecalier, l'installation de détecteurs de présence sont à enviager" indique Béatrice POIRIER.

Embarquer toute l'organisation permet aussi de réaliser des projets d'envergure. "La démarche ISO 50001 met tout le monde dans le même sens et donne des objectifs forts à l'organisation".

Moduler les obligations du décret teriaire

Le décret tertiaire prévoi qu'il est parfois possible de déroger aux obligations d'atteinte des résultats réglementaires. Pour cela l'entreprise ou la collectivité doit justifier les raisons , par un dossier technique. Par exemple, risque de pathologie du bâti, enjeux patrimoniaux, contradiction avec d'autres servitudes ou dispositions réglementaires, disproportion économique.

L'arrêté du 10 avril 2020, publié début mai 2020, fixe à 5 ans le délai pour présenter un dossier de modulation des objectifs, à partir du point de départ de chaque échéance ; 2020 pour l'échéance 2030 ; 2030 pour celle de 2040 et 2040 pour 2050. L'arrêté précise aussi les compétences nécessaires pour la constitution du dossier technique. Enfin il définit le temps de retour sur investissement pris en compte, pour le cas où la modulation est due à un "ccoût démesuré". Ce temps de retour est de trente ans pour les modifications de l'enveloppe, de quinze ans pour les renouvellements d'équipements énergétiques et de six ans pour ce qui concerne l'exploitation, la gestion, la régulation.

En formant toutes les personnes concernées par les économies d'énergie et en faisant participer tous les services, comme le demande la norme ISO 50001, l'organisation se dote des moyens pour justifier les modulations permises par les textes.

Mesurer les actions

Les mesures sont une exigence de la norme ISO 50001. Les mesures sont l'une des bases du processus d'amélioration de la performance énergétique. Elles permettent de définir les actions et de mesurer leur efficacité. "Notre système de métrologie est adapté à chaque immeuble, et a été pensé bien avant la certification obtenue en décembre 2019. La démarche de certification s'est appuyée sur ces comptages et a permis des améliorations quand nécessaire. L'ISO 50001 nous a aussi apporté la mesure des résultats concrets des actions menées." témoigne Mathias PATTEIN.

La norme ISO 50001 impose en effet de démontrer qu'il y a une amélioration réelle de la performance énergétique. Elle demande à l'organisation de définir ce qu'elle doit mesurer et surveiller, de garantir la validité des résultats (choix des équipements de comptage, maintenance...), de décider quand et où ce mesurage doit être effectué et d'analyser les résultats.

"Les petites opérations" peuvent être invisibles si l'on se contente de regarder la facture énergétique globale d'un bâtiment. Or mener une action et ne pas voir les résultats peut être démobilisant pour les équipes. "Grâce à cette exigence de mesure des résultats, nous avons par exemple pu voir concrètement les effets de la modernisation d'un restaurant d'entreprise. Elle a permis de diminuer les consommations sur ce poste de 10 à 15% en 2018" indique Mathias PATTEIN.

Les organisations qui sont déjà engagées dans la démarche de certification ISO 50001 "se posent la question de l'atteinte des exigences du décret tertiaire, mais n'ont pas beaucoup de travial supplémentaire à fournir car elles ont déjà fixé le cadre de travail", explique Caroline HAYE, responsable du pôle accompagnement de ROZO. La route est plus longue pour celles qui partent de zéro.

Cependant beaucoup de grandes entreprises ont en décembre 2019 de réaliser l'audit énergétique réglementaire. Comme le rappelle Quentin GODECAUX, "ces entreprises ont en ligne de mire cette nouvelle obligation de diminution des consommations énergétiques. Elles peuvent faire le lien entre les deux puisque l'audit énergétique est très proche de la revue énergétique, première étape de la certification ISO 50001". L'ISO 50001 favorisera le passage à l'acte en définissant un plan d'actions et des cibles à atteindre. Cette cerficiation permettra également aux grandes entreprises d'être exemptées des futurs audits énergétique réglementaires (lesquels sont obligatoires tous les quatre ans).

"Mettre en place un système de management de l'énergie se justifie tout particulièrement pour les organisations multi-sites et celles qui ont une consommation énergétique annuelle supérieure à 7 GWh, dès lors que le coût représente une part non négligeable du budget de l'entreprise " précise Caroline Haye.

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Intégralité de l'article (pages 14 à 17) dans ENERGIE PLUS n°653 du 1er novembre 2020
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